Mon compte en banque est garanti jusqu’à CHF 100 000.- vraiment ?

Quand on explique à quelqu’un la différence de qualité qu’il y a entre une monnaie ayant cours légal, (les pièces, billets, et compte de la BNS, selon la LUMMP) et un substitut monétaire qu’est la monnaie sur les comptes en banques, (Soit des promesses de la banque de vous donner de la monnaie ayant cours légal) on a souvent cette réponse:

« Je m’en fiche, car même si ces monnaies ont une qualité différente, de toute façon mon compte en banque est garanti jusqu’à CHF 100 000.- et j’ai moins que ça sur mon compte courant. »

C’est aussi souvent le discours des opposants à l’initiative monnaie pleine qui disent: pourquoi avoir besoin de transformer une monnaie sous forme de promesse en monnaie pleine qui existe vraiment si de toute façon la promesse est garantie ?

Comment fonctionne la garantie des dépôts bancaires en Suisse ?

Alors en effet, les comptes bancaires en Suisse ont une garantie de dépôt jusqu’à CHF 100 000.- qui est assuré par l’association esisuisse.

Jusqu’en 2008, la garantie se montait jusqu’à CHF 30 000.- puis elle a été augmentée à CHF 100 000.- suite à la crise financière.

Ok, c’est bien, donc si une banque fait faillite, évidemment elle ne peut plus honorer ses promesses, mais comme le dépôt est garanti le client d’une banque retrouve quand même sa monnaie.

Mais alors d’où vient la monnaie qui permet de rembourser les clients de la banque si la banque est en faillite ?

Et bien, il y a une sorte de « fond de solidarité«  qui est fait entre les banques suisses pour payer en cas de faillite de l’une d’entre elle. Il y a actuellement (novembre 2017) 304 membres qui contribuent au fond de garantie de esisuisse.

Voici une vidéo de esisuisse qui explique comment fonctionne la garantie de dépôt des banques suisse:

Mais il manque un détail qui a son importance dans cette communication…

A combien s’élève le montant du fond de garantie des dépôts ?

Esisuisse dispose immédiatement de CHF 3 milliards de fond de garantie pour couvrir les dépôts.

Puis en cas de besoin, eisuisse peut, par prélèvement direct LSV chez les membres de l’association augmenter ce fond de CHF 3 milliards jusqu’à CHF 6 milliards.

L’art 37h al3, letb, de la loi sur les banques limite à CHF 6 milliards la somme de contributions dues. (le conseil fédéral a le pouvoir, si les circonstances le demande, d’augmenter cette limite)

Donc on voit ici que le système de base est conçu pour avoir en réserve CHF 3 milliards en cas de faillite bancaire en suisse.

Augmenter ce fond est légalement possible par étapes et sous certaines conditions, mais le principe revient toujours à prélever les fonds nécessaires à sauver les banques chez les banques elles mêmes !!

Quel est le montant des dépôts bancaires en Suisse ?

Ok, maintenant on sait que le fond de garantie de base dispose de CHF 3 milliards. Mais quel est le montant total que ce fond est sensé garantir ?

La BNS nous renseigne à ce propos, fin 2016, les engagements résultants des dépôts de la clientèle se montent à CHF 1770 milliards.

Il y a donc CHF 1770 milliards de dépôts dans les banques en Suisse qui sont garantis par CHF 3 milliards.

On a donc un ratio de 0.17% de couverture !

Donc qu’est ce qui est le plus faible ? Une monnaie pleine à 100% car les comptes de trafic de paiement sont hors du bilan des banques ou une promesse couverte à 0.17% ?

Est-ce que le système de garantie des dépôts bancaires a fait ses preuves ?

Le calcul d’une couverture à 0.17% est quand même extrême car il suppose que toutes les banques de suisse font faillite en même temps. Est-ce que c’est plausible ?

Observons donc le passé pour voir si ce système de garantie de dépôts fonctionne.

L’année 2008 est la plus intéressante avec sa crise bancaire.

Exemple de la faillite de Kaupthing

Voyons le cas de la faillite de la filiale de la banque islandaise Kaupthing à Genève. 

Cette banque était marginale sur le marché suisse. Le communiqué de presse de la Commission Fédérales des Banques (prédécesseur de la FINMA), indique que 94% des clients ont été remboursés jusqu’à hauteur de la garantie de dépôt de CHF 30 000.- à l’époque.

Ce qui représente un montant de l’ordre de CHF 25 millions. C’est tout à fait abordable pour être épongé par un fond de CHF 3 milliards.

Il est a noté quand même que les dépôts au delà de CHF 30 000.- ont été perdus!
(Quoique… la garantie ayant été poussée à CHF 100 000.- suite à cette crise, il semble que certains clients on reçu, 2 ans plus tard le solde de leur dépôt !)

Donc, dans ce cas le système a fonctionné.

Exemple de la faillite d’UBS

En revanche que se passe-t-il dans le cas d’une banque dite « Too Big Too Fail » ?

En Suisse, en 2017, les banques considérées comme systémiques au sens de la loi sur les banques sont:

Credit Suisse Group SA, UBS SA, la Banque Cantonale de Zurich (ZKB), le groupe Raiffeisen et PostFinance SA.

En 2008, UBS, a du être sauvé de la faillite. La banque était engagés dans la crise des Subprimes pour un ordre de grandeur de CHF ~ 200 milliards. Elle a directement perdu entre 2007 et 2008 CHF 25 milliards.

Pour éviter une hémorragie totale, une faillite, et la disparition de l’épargne d’une part non négligeable de Suisse il a fallu agir avec des moyens non conventionnels.

Dans ce cas, le fond de CHF 3 milliards n’est pas suffisant pour sauver une banque systémique.

La confédération a pris une participation dans UBS pour un montant de CHF 6 milliards, puis la BNS a monté une « bad bank » sous le nom du StabFund dans laquelle CHF 40 milliards d’actifs toxiques de UBS ont été placés en attendant que la crise se calme, en tentant de revendre et même d’assainir ce qui pouvait l’être.

En 2013, le StabFund a été revendu à UBS, avec même un bénéfice pour la BNS. Ce que certains appellent une excellent opération commerciale !! On peut quand même se poser la question de savoir si les actifs toxiques de l’époque ne le sont pas toujours ?

Comme souvent en terme de dettes, tant que l’on a pas besoin de liquidité immédiate (comme en cas de crise), une dette est un actif. Mais quand il faut réaliser un gain réel sur cet dette, il est probable que ça ne vaut pas grand chose.
(Quand le cours d’une action grimpe tous les actionnaires se sentent plus riches. Mais pour réaliser le gain, il faut vendre l’action… et si tous les actionnaires veulent vendre… il est très très probable que le cours de l’action s’effondre et qu’en fait tout le monde se retrouve pauvre… sauf celui qui laisse passer la crise et laisse le cours de l’action remonter et qui vend pas en même temps que les autres… C’est pas un peu le principe du stabFund ?)

Donc est-ce que UBS a vraiment été sauvé ?

La faillite a été évitée. Mais on a rien changé au système.

initiative monnaie pleine bail in

L’exemple de la faillite du Crédit Suisse

Prenons un autre exemple d’une banque systémique en Suisse en 2008. Le cas de la faillite du Crédit Suisse.

Alors que tout le monde était focalisé sur l’affaire UBS, le Crédit Suisse a joué dans l’ombre pour que personne ne remarque sa propre faillite !

Il y avait un trou de CHF 10 milliards. Le Crédit Suisse a donc décidé de se faire crédit à lui même de CHF 10 milliards !

Mais pour que ça reste discret, c’est via le Qatar que l’opération a été faite !

C’est le Financial Times qui a révélé l’affaire en février 2013. Les journaux suisse le Matin Dimanche et le Temps on également relayé la chose, mais quelques années après, tout le monde semble avoir oublié l’histoire !

Donc je le répète dans un langage différent: le Crédit Suisse s’est « prêté » à lui même CHF 10 milliards…  et ça ne choque personne ! 

Qu’en pense la FINMA ? Et bien dans ce cas, elle a même encouragé l’opération!
Tout est bon pour sauver une banque systémique !

Voici une opération floue qui s’est éclaircie. Mais il en reste d’autres a élucider. Notamment le fait que la fusion entre UBS et SBS en 1998 soit une manière d’éviter d’annoncer une faillite. Il y a des trous dans l’histoire de cette banque qui commencent à sortir…

Conclusions

Le système de garantie de dépôt ne fonctionne que pour les petites banques.

Mais dès qu’il s’agit de la faillite de grosses banques systémiques, le système du fond de garantie de maximum CHF 6 milliards de esisuisse n’est plus suffisant.

L’histoire tend à montrer qu’il y a un sérieux risque de faillite d’une banque systémique tous les 10 ans en suisse !!

Quand arrivera la prochaine faillite systémique: 1998, 2008, …. 2018 ?

Depuis la dernière secousse systémique, on observe que dans le paysage bancaire Suisse, avec le changement de statuts de Postfinance, on a une banque de risque systémique en plus !

Depuis que Postfinance est devenu une SA, la garantie d’Etat illimitée en cas d’insolvabilité a été remplacée par la garantie esisuisse jusqu’à CHF 100 000.- (la garantie d’Etat est quand même appliquée les 5 premières années…)

Heureusement Postfinance ne fait pas de crédit et se porte bien.

Qui se souvient de la faillite du Crédit Suisse en 2008 ?

Normalement personne ne se souvient de la faillite du Crédit Suisse en 2008, car la seconde banque du pays l’a masquée….

En bref:

Pour combler ses pertes et éviter la faillite, Crédit Suisse s’est « prêté » à lui même CHF 10 milliards, ceci via le Qatar pour que ça ne se remarque pas !

En février 2013, un article du journal Le Temps, nous apprend que « C’est le Financial Times qui l’a révélé vendredi soir. Credit Suisse aurait truqué son sauvetage en 2008, comme le titre Le Matin Dimanche, qui est revenu sur l’information. » 

En fait, la banque aurait elle-même avancé les fonds au Qatar en 2008 pour lui redonner une assise suffisante. Soit via une opération de portage. Cette transaction, à hauteur de 10 milliards de francs, est interdite en Suisse, tout comme dans l’Union européenne, avance le quotidien financier. Le régulateur suisse des marchés financiers, la Finma, aurait même encouragé la deuxième banque suisse à y avoir recours, pour rassurer les marchés à l’époque, ajoute le Financial Times.

La FINMA a même encouragé cette pratique de se faire crédit à soi-même !

cercle viceux credit

Toujours selon Le Temps:

La Finma aurait accordé une exception à la banque. Elle l’aurait autorisée à prêter au Qatar les 10 milliards de francs nécessaires à sa propre augmentation de capital. Selon le FT, le prêt aurait été remboursé par le Qatar quelques semaines après l’annonce du 16 octobre 2008. La banque britannique Barclays aurait procédé de la même manière à la même période. Ni Credit Suisse ni la Finma n’ont souhaité faire de commentaires au Matin Dimanche.

C’est dans ce genre d’occasion qu’il est important de rappeler que la FINMA, l’autorité de surveillance des banques est dirigée par un banquier de nationalité Britannique. Un ex-cadre d’UBS.
Est-ce qu’il est normal de choisir un loup pour protéger les moutons des loups?

Donc quand on vous dit que le système fonctionne bien ainsi et qu’il ne faut surtout pas le changer… réfléchissez à qui ça profite !

Et à propos de faillite… on vous a aussi parlé du pourquoi de la fusion de SBS et UBS en 1998 ? …. aussi une technique pour éviter une faillite !... :p