Correction et commentaire d’un article paru sur l’initiative monnaie pleine

Voici des commentaires et des corrections sur l’article à propos de l’initiative monnaie pleine paru le 1er septembre 2017 dans quelques médias de Tamedia en Suisse romande:

 «MONNAIE PLEINE» PROMET UN NOUVEAU MONDE

L'initiative «monnaie pleine» exige que seule la BNS soit compétente pour la création monétaire.

L’initiative «monnaie pleine» exige que seule la BNS soit compétente pour la création monétaire. Image: dr

Séduisante, la réforme dite «monnaie pleine» exige que seule la Banque nationale suisse (BNS) soit compétente pour la création monétaire. Mais le diable se cache dans les détails.

Soit seule compétente, puisqu’elle l’est déjà… le mot est ambigu

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Selon les initiants du texte déposé en décembre 2015 «Pour une monnaie à l’abri des crises: émission monétaire uniquement par la Banque nationale!», l’argent de tous les comptes courants serait entièrement sécurisé. L’Etat n’aurait plus à sauver des banques à coups de milliards versés par les contribuables pour assurer le service des paiements.

L’initiative propose ainsi de ne plus autoriser les banques commerciales à créer de la monnaie scripturale, laquelle représente près de 90% de la masse monétaire, le reste étant constitué des pièces et billets mis en circulation par la BNS.

Ok avec ces deux paragraphes… à la différence que les banques pourront quand même créer des monnaies privées (substituts monétaires), mais elles seront obligée de dire que ce n’est pas du francs Suisse CHF. Bref, comme le fait la banque WIR qui crée des francs WIR.

Le texte veut que l’institut d’émission produise l’argent, y compris sous la forme électronique.

Le terme « électronique » est ambigu car je trouve qu’il induit une confusion avec les monnaies type bitcoin alors que le problème se situe au niveau de la création monétaire scripturale. L’argent des comptes de virement est aussi de la monnaie électronique…

Actuellement, la création d’argent repose sur l’émission de pièces et de billets par la BNS, l’achat de devises ou de papiers valeurs par cette dernière (aux banques commerciales privées) ainsi que l’octroi par la banque centrale de crédits aux établissements bancaires commerciaux (négligeable, non ?) et les prêts de ces derniers.

Je trouve cette formulation peu claire et ne mettant pas en évidence le processus de création monétaire par les banques commerciales privées au moyen des crédits ex nihilo (et non des prêts) accordés aux agents non bancaires qui correspond aux 90 % de la masse monétaire comme indiqué plus haut.

Toutefois, seul l’argent créé par la BNS constitue un moyen de paiement légal.

C’est bien de le rappeler…

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Monnaie comptable

Les banques commerciales ne peuvent quant à elles que créer de la monnaie scripturale. Cet argent comptable ne représente pas un moyen de paiement légal. Un compte bancaire ne constitue qu’une créance des clients, soit la promesse des établissements de leur payer le solde en billets et pièces.

C’est bien de l’avoir écrit noir sur blanc dans un article, cela ouvrira peut-être les yeux à certains…

Dans la pratique, la BNS octroie par exemple un crédit de 1000 francs à un établissement commercial. Ce dernier doit conserver au titre de réserve 10% de ce montant, soit 100 francs. La somme restante, 900 francs peut à son tour être prêtée à une entreprise qui veut acheter une machine.

Une fois les 900 francs remboursés, la banque doit à nouveau constituer une réserve de 10%, puis peut une nouvelle fois accorder un prêt de 810 francs. Dans le cadre de ces deux opérations, les 1000 francs de la BNS auront au final permis de créer de l’argent à hauteur de 1710 francs.

Explication sommaire du système de réserves fractionnaires... Ils auraient pu préciser qu’en Suisse le montant exigé de réserves obligatoires est de 2.5 % et de 1 % dans l’Union européennes. Certains pays étant à 0 % tels l’Australie, le Canada et les États-Unis jusqu’à certains montants…

Une création de monnaie que les initiants jugent abusive. Selon un sondage représentatif 73% des personnes interrogées ignorent que l’argent de leur compte en banque a été créé par leur banque et non par la BNS. Les auteurs de la réforme visent à rendre l’actuel système conforme à l’intention de la Constitution fédérale, selon laquelle la monnaie relève de la compétence de la Confédération.

Bon paragraphe… qui rappelle l’article constitutionnel.

Opposition du Conseil fédéral

Dans la pratique, les banques ne seront plus autorisées à créer leur propre argent et ne pourront prêter que celui qu’elles auront reçu des épargnants, des autres banques ou de la BNS. Ces derniers jours, les initiants ont distribué un argumentaire dans pas moins de 2276 succursales bancaires en Suisse alémanique.

Opposé à la réforme, le Conseil fédéral a recommandé au Parlement de la rejeter, sans contre-projet.

Le journaliste ne s’est pas foulé et aurait pu développer pourquoi le Conseil fédéral s’oppose à cette initiative…

Selon Aleksander Berentsen, professeur d’économie à l’Université de Bâle, la législation issue de l’initiative pourrait se traduire par une grande incertitude.

Pas d’argument, emploi du conditionnel, grand mot pour faire peur, un peu léger pour un professeur d’économie, la suite n’est guère mieux…

Le texte entraînerait aussi une course aux moyens de paiement alternatifs.

On se demande bien pourquoi étant donné que le système de paiements suisse deviendrait le plus sûr du monde… Encore un argument spécieux sans plus d’explication…

Selon M. Berentsen, les banques pourraient par exemple proposer des comptes de paiements en euros ou en bitcoins.

Là encore, on ne voit pas bien le rapport et pourquoi elles feraient cela… D’ailleurs, elle propose déjà des comptes en euros, donc rien de nouveau, en bitcoin  c’est moins sûr. Et pourquoi avoir du bitcoin, cryptomonnaie électronique, alors que nous aurions tous sur nos comptes courant la monnaie scripturale électronique légale la plus sûre du monde ?

De l’avis du professeur bâlois «l’initiative aurait pour seule et unique conséquence d’affaiblir la valeur et l’importance du franc».

Mythique l’argument ! On se demande comment ? De mon point de vue, cela aurait plutôt l’effet inverse… Mais même en admettant qu’il ait raison, ce qui reste à démontrer, n’est ce pas ce que recherche la BNS depuis tant d’années : affaiblir le franc ?

Conséquence pratique de la réforme, les banques devraient biffer de leur bilan les comptes de paiement libellés en francs, pour les gérer fiduciairement. Ils ne devraient être constitués que d’argent émis par la BNS, mais ne rapporteraient pas d’intérêts. (comme les comptes courants actuels !!!!!!!!! la sécurité en moins !)

Les fonds appartiendront aux titulaires des comptes et ne seront pas perdus en cas de faillite de la banque.

Essentiel, argument massue en faveur de l’initiative… Rappeler l’épisode UBS si un plouc vous soutient que les banques suisses ne font pas faillite…

Octroi de crédit plus difficile

Séduisante sur le papier, la proposition se traduirait cependant par un affaiblissement de l’octroi de crédits par les banques, explique à l’ats M. Berentsen. Selon le principe de la monnaie pleine, une banque ne peut accorder un prêt qu’avec de l’argent légal. Elle doit donc l’acquérir sur le marché ou l’emprunter à la BNS,

A l’opposé, on comprend donc que dans la situation actuelle, une banque n’accorde un prêt ou plutôt un crédit qu’avec de l’argent illégal ou mieux a-légal, en clair de la fausse monnaie ! Ce qui n’a pas l’air de poser un problème ni à notre journaliste, ni à notre professeur d’économie…

ce qui nécessite beaucoup de temps et limite la flexibilité du système.

Argument spécieux, il me semble que la BNS n’avait pas mis beaucoup de temps avant de créer le Stab Fund (octobre 2008) de près de 40 milliards pour sauver l’UBS en faillite en 2008 après celle de Lehmann Brothers le 15 septembre 2008…

Dans ce contexte, les banques commerciales auraient tendance à limiter l’octroi de crédits, entraînant du coup leur renchérissement.

Elles le limitent déjà… par l’augmentation de la sévérité des critères pour le calcul du ratio d’endettements des particuliers – alors que les taux de crédit sont bas – selon les recommandations de la FINMA. C’est surtout que payer un droit de seigneuriage à la BNS rognerait leurs marges sauf si elle le répercute sur l’emprunteur, ce qui effectivement entraînerait le renchérissement du crédit…

Les frais de tenue de comptes, très avantageux actuellement du fait que les établissements peuvent se financer facilement, augmenteraient, selon M. Berentsen.

Donc, si l’on comprend bien M. Berentsen, c’est le fait de ne payer aucun impôt sur la création monétaire ou de se financer à taux 0% sans payer de droit de seigneuriage qui permet aux banques de proposer des frais de tenue de compte avantageux ?

L’acceptation de l’initiative mettrait aussi la BNS sous pression, confrontant l’institut d’émission à un conflit d’intérêts entre la demande des banques et sa mission de politique monétaire. La banque centrale devrait dès lors décider de l’allocation de l’argent. (ats/nxp)

Factuellement faux, la BNS devra décider du montant de création monétaire en fonction de la situation économique mais cela ne sera pas à elle de déterminer l’allocation de cette masse monétaire mais au monde politique et au Souverain…

Créé: 01.09.2017, 10h04

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